C’est le portrait d’une femme imposante et sérieuse que propose Pablo Picasso dans ce tableau en 1906.
L’écrivaine Gertrude Stein est présentée sous un jour éloigné de son caractère habituel, davantage jovial et amical. Stein oriente Picasso dans cette direction radicale pour servir ses ambitions littéraires. Celles de devenir une figure de la littérature, stable et robuste.
Et c’est un succès : ce portrait est devenu la matrice des nombreux autres portraits de l’artiste, qui ont suivi au cours du XXe siècle !
À son tour, Gertrude Stein décrit Pablo Picasso dans un poème en 1909, par touches successives. L’environnement syntaxique et sonore qu’elle choisit dresse les contours d’un homme travailleur et charmant :
Celui que certains certainement suivaient était celui qui était complètement charmant. Celui que certains certainement suivaient était celui qui était charmant. Celui que certains suivaient était celui qui était complètement charmant. Celui que certains suivaient était celui qui était certainement complètement charmant. (...) Celui-là avait toujours quelque chose qui sortait de lui-même qui était une chose solide, une chose intéressante, une chose dérangeante, une chose repoussante, une très jolie chose.
Gertrude Stein, Portraits and Prayers, New York, Random House, 1934 / Dix Portraits, Paris, Éditions de la Montagne, trad. Georges Hugnet et Virgil Thomson, rééd., Paris, Deuxtemps Tierce, 1991, p. 17.
Le portrait de Gertrude Stein par Pablo Picasso marque le début de leur amitié. Stein accompagne ensuite les grandes étapes du cubisme de Picasso, en acquérant des œuvres de chaque période, et en construisant en parallèle son écriture selon des approches formelles voisines. Elle est, avec Guillaume Apollinaire, parmi les rares visiteurs de l’atelier des Demoiselles d’Avignon (1907).
Une grande amitié et une certaine émulation intellectuelle naissent de leurs échanges. Stein vit la bohème et la liberté artistique auxquelles elle aspire en intégrant "la bande à Picasso" aux côtés des poètes Max Jacob et Guillaume Apollinaire. Picasso bénéficie de la situation sociale et du soutien financier de l’écrivaine.
Tous les deux, ils sont à l’origine d’un nouveau langage artistique à découvrir dans l’exposition au Musée du Luxembourg encore jusqu’au 28 janvier !
