Quand la poésie de Stein s’apprécie aussi en sons et en images
Quand la poésie de Stein s’apprécie aussi en sons et en images
Stein trouve son public dans les arts vivants
Bien qu’ayant une écriture prolixe et inventive dès son arrivée à Paris en 1903, Stein connait un succès tardif. Il faut attendre la publication de son livre Autobiographie d’Alice B Toklas en 1933 et… la mise en scène de l’un de ses opéras en 1934 !
La pièce Four Saints in Three Acts, réalisée en collaboration avec le compositeur Virgil Thomson, le « Satie américain », remporte un vif succès populaire aux États-Unis. Rare pièce montée de son vivant, la chorégraphie reprend les codes de Broadway et le compositeur fait appel à un chœur noir recruté dans les églises et boîtes de nuit de Brooklyn et de Harlem – un événement exceptionnel dans l’Amérique ségrégationniste des années 1930.
Au même moment, le compositeur John Cage s’approprie l’œuvre de Stein. Il est l’un des premiers à explorer toutes ses potentialités poétiques et performatives. La poétique steinienne devient alors une grande source de composition : Three Lives en 1909 intègre des textes de la poète et Living Room Music (1940) propose un jeu sur des objets domestiques, à l’instar de Stein et de ses « natures mortes » (still lifes) dans Tender Buttons.
John Cage joue un rôle majeur dans sa lecture et sa transmission dans le milieu de l’avant-garde new-yorkaise. Sur le modèle de l’atelier européen, il réunit autour de lui Merce Cunningham, Robert Rauschenberg, Jasper Johns, Andy Warhol ou encore Nam June Paik. Ces artistes de disciplines différentes développent une pratique expérimentale et collaborative. Leur logique de travail ? Inspirée de Stein et intermédiale - c’est-à-dire que chaque médium existe indépendamment à l’intérieur d’une même performance !
Musique, danse, théâtre, mots abstraits… et la magie opère !
Vous l’aurez compris : Stein transmet sa volonté de briser les frontières entre les arts, particulièrement entre la danse, la musique, le théâtre et la poésie. Elle les annihile en créant un objet-temps entre la création chorégraphique, la composition musicale, l’image et la performance plastique.
Cette conception cubiste inspire le milieu underground des années 1960 aux États-Unis puis infuse les arts performatifs et l’art minimal.
Le compositeur Al Carmines monte avec la chorégraphe Yvonne Rainer la pièce de Stein What Happened. A Five Act Play en 1964 au Judson Dance Theater et raconte :
De la même manière, Dance (1979) de Lucinda Childs sur une musique de Philip Glass et une mise en scène de Sol LeWitt, s’inspire de Stein en mêlant musique répétitive, surimpression et démultiplication des rythmes et des images par des projections vidéo… Il s'agit d’une véritable décomposition cubiste !
Dans l’exposition en cours au Musée du Luxembourg, mesurez l’apport majeur des textes de Stein et sa conception interdisciplinaire de l’art.