Irving Penn et ses photographies publicitaires : le statut d'artiste avant-tout !

9 janvier 2018
Dans une photographie prise pour une publicité L’Oréal, Penn étale, à la manière d’un peintre, des couleurs sur la bouche d’un mannequin, sans montrer le produit tel qu’il est vendu en boutique, révolutionnant ainsi le monde de la publicité.

En étalant les différentes substances, en les projetant et en les saupoudrant, Penn bouscule l’aspect lisse et bien fini des publicités qui ornent habituellement les magazines. Son utilisation du maquillage, qu’il traite comme un pigment, fait écho à son retour à la peinture et au dessin, qu’il pratique pendant son temps libre à partir du milieu des années 1980. Dans cette photographie saisissante qu’il réalise en 1986 pour L’Oréal, il étire différentes nuances de rouge à lèvres par-dessus la bouche d’un modèle, d’une façon sauvagement invraisemblable et subversive, produisant un festival de couleurs débridé qui contraste avec la peau poudrée de blanc. Ces mises en scène invitent l’observateur à imaginer les cosmétiques comme une palette qui recèle un potentiel d’expression, mais révèlent aussi combien Penn est sensible à la manipulation de la matière sur une surface, à la sensation d’une marque laissée sur le papier.






Mouth (for L'Oréal), New York, 1986, The Metropolitan Museum of Art, New York, Promised Gift of The Irving Penn Foundation © The Irving Penn Foundation

On devine ici l’impact de ses séries expérimentales, telles que les Nus ou les Cigarettes, qui témoignaient d’un goût profond pour le travail artisanal du medium photographique. A travers ce cliché, Penn revendique un statut d’artiste au coeur même de sa production commerciale. Le photographe s’est lancé dans la publicité en 1953 afin de subvenir aux besoins de sa famille, au moment où Vogue commençait à juger son style trop austère. Son talent pour transformer un produit de consommation industriel en une aventure sensorielle – en exaltant la texture d’une préparation culinaire, la rutilance d’une voiture ou les bulles d’un champagne – fera école. Contraint à la répétition de ses formules à succès par les agences, Penn sent néanmoins sa créativité bridée dans ce milieu où la prise de risque n’est jamais encouragée. Dans les années 1970, il réduit son activité à des clients triés sur le volet : Chanel, Revlon, L’Oréal, Clinique ou Calvin Klein.








Irving Penn, Grand Palais

jusqu'au 29 janvier 2018

RESERVEZ VOTRE BILLET ICI

A lire aussi

L'actrice Sarah Bernhardt par Nadar

Article - 24 décembre 2020
A l'occasion de l'exposition "Noir & Blanc" qui ouvrira prochainement au Grand Palais, décryptons l'une des photos exposée : le portrait de Sarah Bernhardt par le photographe Félix Nadar grâce au site "L'Histoire par l'image".

Emile Zola, photographe

Article - 21 décembre 2020
Vous connaissez Emile Zola l'écrivain. Mais saviez-vous qu'il avait pratiqué avec passion la photographie de 1894 à sa mort ? on vous en dit plus !
Tout le magazine