Découvre Paul Gauguin (1848-1903)

10 octobre 2017

--Carte d'identité--

 

 

-- Famille --

Eugène Henri Paul Gauguin est le fils de Clovis Gauguin (1814-1849), rédacteur au National [journal républicain quotidien et contestataire sous le second Empire (1852-1870)] et d'Aline Chazal (1825-1867), fille de Flora Tristan (1803-1844) femme de lettre et militante qui défendait la cause des femmes. Paul a une sœur ainée, Marie (1847-?). 

-- Enfance et adolescence --

En août 1849, âgé d'un anses parents l'emmènent au Pérou, pays d'origine de sa grand mère (franco-péruvienne). Son père Clovis meurt pendant le voyage. Avec sa mère et sa sœur aînée Marie, il va vivre à Lima, la capitale du Pérou, chez un grand oncle, Don Pio de Tristan Moscoso. Paul y vit jusqu’à ses six ans et demi.

Fin 1854-début 1855, sa mère rentre en France avec Marie et Paul pour régler la succession de son père.

Elle s'installe à Orléans et inscrit Paul dans un pensionnat comme externe.

En 1859, à 10 ans, il est scolarisé à la Chapelle-Saint-Mesnin (Orléans), au Petit Séminaire.

En 1862, à 13 ans, Paul rejoint sa mère à Paris où elle est installée depuis 1861 au 33, rue de la Chaussée-d'Antin. Elle exerce la profession de couturière-marchande.


Il entre à l'Institut Loriol, à Paris, pour préparer le concours d'entrée à l'École Navale – concours que, finalement, il ne passera pas en 1865 car il dépasse l'âge limite. 

En 1864, à 16 ans, il entre au lycée d'Orléans. 

En 1865, il s’embarque comme élève-officier au Havre sur un bateau de la marine marchande et voyage dans le monde entier.

En 1867Paul a 19 ans lorsque sa mère décède. Par testament, elle désigne Gustave Arosa tuteur de ses enfants, ses seuls héritiers.

Paul hérite des tableaux, d'une chaîne de montre, de breloques et de la bague chevalière de son grand père.

Gustave Arosa est un homme d’affaire et collectionneur qui a eu une influence certaine sur l’activité artistique de Gauguin qui gardera toute sa vie un lien avec les œuvres de sa collection. 

C’est son tuteur qui lui fît rencontrer Camille Pissarro son premier conseiller. 

-- Jeunesse --



En 1868, à 20 ansil effectue son service militaire  dans la marine de guerre. 

En juin 1869, 21 ans, il est majeur. 

En avril 1871, à presque 23 ansil est libéré de son service militaire.

En 1872, il retourne vivre à Paris.

Il trouve un emploi de remisier (opérateur financier, intermédiaire entre un agent de change et ses clients) chez Paul Bertin. 

Il rencontre sa future femme Mette-Sophie Gad (1850-1920), d'origine danoise.

Pendant ses loisirs Gauguin peint. 

En 1973, à 25 ans, il épouse Mette. 

-- Début de carrière artistique --

Gauguin se forme tout seul, c'est un autodidacte. Il apprend également auprès des peintres impressionnistes. Il peint des paysages impressionnistes avec Camille Pissarro.



En 1976à 28 ans, il expose pour la première fois au Salon (Sous bois à Viroflay) et plus régulièrement avec les impressionnistes, de 1879 à 1886.

En 1877, il déménage au 74, rue des Fourneaux (actuelle rue Falguière). Jules-Ernest Bouillot, son propriétaire, et Jean-Paul Aubé dont l’atelier est dans le même immeuble, l’initient au modelage et à la sculpture. 

Il croque au graphite et à la craie noire des scènes de la vie quotidienne, 
dans un carnet de dessin.

Dès 1878, il collectionne les œuvres de Camille Pissarro, Paul Cézanne…

En 1979, parallèlement à son activité artistique, Gauguin continue une activité comme employé de banque.

Il participe à la quatrième exposition impressionniste, invité par Pissarro et Edgar Degas. 

En 1882, à la suite du krach français de la banque de l’Union Générale, Gauguin perd son travail. 

Il se consacre entièrement à sa carrière artistique.



Entre 1884 et 1886, Gauguin se déplace beaucoup. Il va à Rouen, à Copenhague, il voyage dans le sud de la France, en Angleterre, à Londres – pour exposer, visiter des musées, vendre ses tableaux.

 

-- 1886, la Bretagne, Pont-Aven -- 

Son premier séjour en Bretagne, à Pont-Aven, naît d'un besoin de fuir la capitale, les intrigues et ses vicissitudes. Il n'a aussi plus les moyens de vivre à Paris.

En juillet 1886, grâce à un prêt d’argent, il quitte Paris et séjourne à la pension de Joseph et Marie-Jeanne Gloanec, à Pont-Aven, pendant trois mois, au coût de 60 francs par mois. De là, Il se rend au Pouldu, endroit bien connu des artistes peintres.



Il retrouve en Bretagne une petite communauté d’artistes et fait la connaissance de Charles Laval (1861 – 1894), artiste peintre, d’Émile Bernard (1868 – 1941), peintre post-impressionniste et écrivain, avec lesquels il se lie d'amitié et développe une nouvelle forme de peinture: le cloisonnisme puis le synthétisme.


Paul Gauguin (1848-1903) « Nature morte au profil de Laval », 1886, huile sur toile, 46 x 38,1 cm, Indianapolis, Museum of Art.








Pont-Aven et les artistes du XIXe siècle

Pont-Aven, au XIXe siècle est un lieu de prédilection où se retrouvent les artistes, en majorité anglais et américains.

Ils y trouvaient des modèles prêts à prendre la pose en costume traditionnel moyennant salaire et sans honte selon le témoignage de l’écrivain anglais Henry Blakburn. Ils trouvaient que « là seulement le peintre peut rencontrer la sauvage et saisissante majesté d’une nature vierge de toute trace moderne, entremêlée partout de ruines druidiques, religieuses et féodales qui s’y trouvent comme les pages éparses d’une histoire oubliée » (T.A. Trollope, 1840). Et, en 1886, un ouvrage de Flaubert est publié, Par les Champs et par les grèves, dans lequel il parle du «…pays des chevaliers la Table ronde, dans la contrée des fées, dans la patrie de Merlin, au berceau mythologique des épopées disparues», une terre forte de symbolisme et d’une civilisation première qui résiste à la modernité qui a plu à Paul Gauguin.

Paul Gauguin (1848-1903) et Ernest Chaplet Vase décoré de scènes bretonnes, 1886-1887 Atelier d'Ernest Chaplet, exposé dans le Salon de la Libre Esthétique, 1896 Grès émaillé à décor incisé et rehauts d'or ; H. 29,5 cm Musées Royaux d’Art et d’Histoire Bruxelles (Belgique)
De retour à Paris, Gauguin fait de la céramique et se forme auprès d'Ernest Chaplet (1835–1909), un sculpteur et céramiste, spécialiste des grès émaillés et qui travailla aussi pour des sculpteurs comme Jules Dalou ou Auguste Rodin en reproduisant certaines de leurs sculptures en céramique.


Cette année 1886, il rencontre Vincent van Gogh pour la première fois.
 
Fin novembre 1886, Paul Gauguin rompt avec le mouvement impressionniste dit «scientifique» de Camille Pissarro (1830–1903), de Paul Signac (1863–1935) .

-- 1887, Panama et la Martinique --

De fin avril à Octobre 1887, Gauguin part six mois au Panama et à la Martinique avec son ami Charles Laval. 

Il y dessine et peint à l’aquarelle et à la gouache. 
Paul Gauguin (1848-1903), « Paysage de la Martinique » , vers 1887. Aquarelle, gouache et pastel sur papier; 20 x 42 cm. Royaume-Uni, Londres, The Fan Museum
 

 

-- 1888,  la Bretagne : deuxième séjour --

 

Début 1888, Paul Gauguin retourne en Bretagne, à Pont-Aven, à la pension Gloanec. 

Il peint les habitants en costume traditionnels et les paysages bretons, les bergères et bergers, leurs moutons. Il peint des baigneurs. Il transpose dans cet univers des sujets issus de la Bible.

 

Paul Gauguin (1848-1903), La Vision après le sermon (ou la Lutte de Jacob et de l'ange), 1888. Huile sur toile; 73 x 92 cm National Galleries of Scotland Photo © National Galleries of Scotland, Dist. RMN-Grand Palais / Scottish National Gallery Photographic Department
Ce conseil est appliqué par Paul Sérusier qui peint le « Talisman », sous la dictée de Gauguin en octobre 1888,  Tu peux voir ce fameux petit tableau (reproduit ci-dessous) au musée d'Orsay, à Paris. Il est considéré comme l’œuvre manifeste du mouvement Nabis.
Sérusier Paul (1863-1927) Le Talisman, l'Aven au Bois d'Amour, Pont-Aven, octobre 1888 Huile sur toile, 27 x 21 cm Paris, musée d’Orsay Photo © RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

-- Paul et Vincent à Arles --

Paul Gauguin (1848-1903) Laveuses à Arles dit aussi Lavandières, 1888 Huile sur toile, 74 x 92 cm. 
Bilbao Fine Arts Museum, Espagne

Cette même année 1888, Théo van Goghmarchand d’art de Gauguin, arrive à vendre plusieurs de ses tableaux et céramiques. 

 

Vincent van Gogh, frère de Théo, invite Gauguin à le rejoindre à Arles pour travailler ensemble et échanger leur point de vue sur la peinture et le sur le projet de van Gogh de créer une communauté d'artistes à Arles inspirée de celle de Pont-Aven. 

C'est en octobre 1888 que les deux artistes se retrouvent dans le sud de la France. Mais ils ne s'entendent pas vraiment et leur rencontre se termine tragiquement.

Pris d’un coup de folie, sous le coup d'une déception, Vincent se tranche l’oreille. Gauguin, soupçonné de l' agression, est arrêté par les gendarmes, puis innocenté et finalement libéré. Cet incident malheureux deviendra célèbre et soulève encore aujourd'hui la question: qui était coupable ? van Gogh ou Gauguin ?

 

Gauguin repart trois jours plus tard avec Théo venu assister son frère.

Paul Gauguin ne reverra plus jamais Vincent van Gogh. 

 

-- 1889, de précieux amis --

 
Paul Gauguin (1848-1903) L'atelier de Schuffenecker (la famille Schuffenecker) Huile sur toile; H. 72.7; L. 92 cm Paris, musée d’Orsay Rmn-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski





























Peint en 1889, ce portrait de groupe représente la famille Schuffenecker dans l'atelier de ce même peintre. Tu peux y voit un chevalet, quelques tableaux au mur. Un poêle, nouveau mode de chauffage du XIXe siècle, assure le confort de la pièce. 

Gauguin est logé à Paris chez Émile Schuffenecker (1851-1934) artiste peintre post-impressionniste, enseignant et collectionneur. Il soutient Gauguin financièrement dans les moments difficiles.

 

Il rencontre aussi Daniel de Monfreid (1856-1929), artiste peintre Impressionniste, Néo-impressionniste et qui va se rapprocher du style de Gauguin. Il est à la fois son ami, le premier à collectionner ses œuvres et son premier biographe.

Les deux artistes entretiennent une correspondance régulière lorsque Gauguin est à Tahiti et aux îles Marquises. 

 



 

-- Bretagne : troisième séjour --

Pendant l'été 1889, Gauguin peint le célèbre portrait de La Belle Angèle, celui de Marie-Angélique Satre, fille de marin et d'une aubergiste de Pont-Aven.

Lorsqu'elle voit le tableau que Gauguin s'apprête à accrocher chez elle, le trouvant trop affreux, 
elle le refuse. 

Il est pourtant, pour Gauguin, son meilleur portrait et pour Théo van Gogh, marchand d'art éclairé, «un bien beau Gauguin» qu'il décrit ainsi «C'est un portrait disposé sur la toile comme les grosses têtes dans les crépons japonais, il y a un portrait en buste et puis le fond. C'est une bretonne assise, les mains jointes, costume noir, tablier lilas et collerette blanche, le cadre est gris et le fond d'un beau bleu lilas avec fleurs roses et rouges. l'expression de la tête et l'attitude sont très trouvées; la femme ressemble un peu à une vache, mais il y a quelque chose de si frais et encore une fois si campagne, que c'est agréable à voir.»

Ce tableau est une étape clé du cloisonnisme et de la synthèse. On y trouve l'inspiration des estampes japonaise et des illustrations de revues dans l'utilisation du cercle autour du portrait qui l'isole du fond et accentue le côté symbolique de l'image, comme une icône.
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Gauguin travaille avec un artiste peintre hollandais Meyer de Hann au Pouldu. Ils décorent ensemble la salle à manger de l’auberge de Marie Henry au Pouldu où ils logent.

--1891-1893, premier séjour à Tahiti--

1891: l’année de la reconnaissance et de son projet de voyage.

Ses amis artistes ou écrivains comme Pissarro, Jean Dolent (1835-1909), Mallarmé l’introduisent auprès de personnalités du monde littéraire ou du monde journalistique (Mirbeau) pour l'illustration d'ouvrages ou pour promouvoir ses œuvres et leur vente par l'écriture d'articles en son honneur.

Les ventes publiques lui permettront de rembourser ses dettes et payer son prochain voyage. Cette fois vers une île de l’archipel polynésien : Tahiti, dans les mers des tropiques.

Avec l’appui de Georges Clemenceau (homme politique et député à ce moment) la mission qu’il demande auprès du ministre de l’Instruction publique et des Beaux Arts lui est accordée: «M. Gauguin, artiste peintre, est chargé d’une mission à Tahiti, à l’effet d’étudier, au point de vue de l’art et des tableaux à en tirer, les coutumes et les paysages de ce pays. La mission est gratuite».

 Il obtient également une réduction sur le prix du voyage « Marseille-Nouméa » en 2e classe.

Pourquoi Gauguin part-il si loin en voyage ?

Gauguin est déjà un grand voyageur. Ce voyage s’inscrit dans la lignée des artistes-voyageurs du XIXe siècle comme Eugène Delacroix qui va au Maroc pour découvrir une société d’avant l’industrialisation, aux paysages encore intacts et où les habitants ont conservé leurs traditions ancestrales. L’idée forte est de passer d’un état civilisé à un état dit « primitif » que l’on appelle aujourd’hui « premier ».


 





Une arrivée qui intrigue la population.



Dès son arrivée Gauguin intrigue les habitants avec ses cheveux longs. Ils le surnomment taatavahine ce qui signifie «homme-femme». Quelques jours plus tard, il se les fait couper et porte, comme les autres occidentaux, le costume colonial.



L’art avant tout.



Gauguin espère vivre de son art et faire « quelques portraits bien payés ». Un seul lui est commandé, celui de Suzanne Bambridge (musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles, Belgique). 



Selon les propos du sous-lieutenant Jénot qui l’accueillit à son arrivée, il est venu avec tout « un assortiment de gouges et ciseaux ».S’étonnant de ne trouver aucune figure sculptée ou gravée en bois ou en pierre sur l’île et Inspiré des tatouages marquisiens dont il possède des photographies, il décide de décorer certains objets utilitaires comme des coupes à popoï, des umete (coupes oblongues).

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Objet 3D: : Paul Gauguin (1848-1903) Coupe à popoï ou cava, 1891; bois de tamanu sculpté (relief en creux); H. 14.5; L. 44; P. 26.5 cm. Paris, musée d’Orsay. photo © Rmn-Grand Palais (musée d'Orsay) 

 Paul Gauguin (1848-1903) Umete, vers 1891. Coupe : pua sculpté (relief en creux et incisions). H. 5.3; L. 45.2; P. 20.2 cm. Musée d'Orsay, Paris (France)



Coupe à popoï ou cava by Rmn-Grand Palais on Sketchfab



Umete by Rmn-Grand Palais on Sketchfab

 

INSPIRATIONS

 

Gauguin accumule des dessins et les documents pour sa peinture. Il porte un intérêt particulier au panthéon polynésien décrit par Jacques-Antoine Moerenhout (commerçant, explorateur, ethnologue et diplomate franco-belge), en 1837, dans son ouvrage de «Voyages aux îles du grand Océan».

N'oublie pas que Gauguin a une mission:

"…étudier, au point de vue de l’art et des tableaux à en tirer, les coutumes et les paysages de ce pays."

Ce premier séjour est une découverte et une étude presque anthropologique et ethnologique de Tahiti.

Gauguin mélange les influences.

ête coupée; statue et homme jouant de la flûte; tête de personnage Album Noa-Noa. Album Gauguin Paul -1- Folio 32 dessiné au recto Height: 0.315 m Length: 0.232 m Paris, musée d'Orsay, conservé au musée du Louvre, 1927, don, Georges Daniel de Monfreid Photo © RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Gérard Blot

Octave Mirbeau parle de l’œuvre de Gauguin en ces termes : « un mélange inquiétant de splendeur barbare, de liturgie catholique, de rêverie hindoue, d’imagerie gothique, de symbolisme obscur et subtil ».



Il a aussi emporté avec lui des photographies d’œuvres qu’il apprécie particulièrement, comme les sculptures du temple de Borobudur à Java ou la statuaire du Parthéon d’Athènes. Elles lui inspirent les formes et les attitudes de ses personnages.

Les 
tikis océaniens, représentations d’un l'ancêtre mi-humain mi-dieu premier homme dans la mythologie polynésienne et qu’il voit aux îles Marquises feront parties de ces nouvelles créations.

Peindre…

De 1891 à 1892, Gauguin réalise soixante-dix peintures.

Vahine no te tiare est le premier tableau qu’il envoie à Paris et qu’il présente à son ami Monfreid comme une « nouveauté » 



Tu dois trouver les titres de ses œuvres étranges. Ils sont en tahitien. Gauguin apprend cette langue et donnera des noms 
tahitiens qu'il traduit souvent en français pour la clientèle de la métropole.

Ainsi, Vahine no te tiare signifie Femme à la fleur.

 



À ce moment, les toiles qu’il considère comme les meilleures, sont Pastorales TahitiennesArearea (Joyeuseté) et Mata Mua (Dans des temps anciens), reproduites ci-dessous.



 

Paul Gauguin (1848-1903) Pastorales Tahitiennes, 1892 Huile sur toile H. 87.5; L. 113.7 cm The State Hermitage Museum / photo Vladimir Terebenin
Paul Gauguin (1848-1903) Mata Mua (Autrefois), janvier 1892 Huile sur toile H. 91; L. 69 cm Madrid, Musée Thyssen-Bornemisza
Paul Gauguin (1848-1903) Arearea (Joyeusetés I), 1892 décembre Huile sur toile H. 74.5; L. 93.5 cm Rmn-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
 

Sculpter…

En 1892, il est a court d'argent et ne peut acheter ni toile ni peinture. Alors il cherche dans la nature le bois pour sculpter des statuettes et des cylindres. 

Il les transforme en personnages du panthéon imaginaire polynésien dont il invente les formes, comme Ta’aroa, le dieu suprême, un dieu androgyne aux cheveux longs et à la poitrine, et Hina, la déesse de la Lune.



 

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 Objet 3D: Paul Gauguin (1848-1903), Idole à la perle / idol with a Pearl Earring, 1892. Statuette en bois de tamanu peint et doré, une perle sur le front, une chaînette en or au cou; H. 23.7; L. 12.6, P. 11.4 cm. Paris, musée d'Orsay.  3D ©Rmn-Grand Palais (musée d'Orsay)

Idole à la perle by Rmn-Grand Palais on Sketchfab

 

Ses modèles…

Pour le peintre figuratif, avoir un modèle est essentiel. Il lui inspire les formes de ses personnages.

Le premier modèle tahitien que 
Gauguin peint est Teha’amana.

Elle est à la fois son modèle et sa vahiné (sa femme).

C’est elle qu’il représente dans Noa Noa, album de son récit du premier séjour tahitien, et dans L’ancien Culte Maori.





♦ Deux tahitiennes ont principalement posé pour Gauguin: Teha'mana lors de son premier séjour et Pahura lors de son second séjour.

 
Paul Gauguin (1848-1903) Merahi metua no Tehamana (Teha'amana a de nombreux parents). Huile sur grosse toile H. 76.3; L. 54.3 cm The Art Institute of Chicago © The Art Institute of Chicago
À la fin de ce premier séjour Tahitien, il peint le portrait de Teha'amana, représenté ici.

Ce tableau est une sorte d'adieu mais aussi un hymne à la beauté tahitienne dont l'éventail est le symbole.

C'est également une mise en rapport avec les origines du peuple tahitien: à l'arrière plan, sur le mur, peinte en frise, tu peux voir la déesse de la lune Hina qui le fit naître, issu de l'union avec le dieu Ta'aroa.

Gauguin quitte Tahiti en juin 1993 pour la France.

-- Août 1893, retour en France --

Rapatrié par le gouvernement français, Paul Gauguin arrive à Marseille le 30 août 1893, sans un sou en poche. 
Encore une fois, la solidarité de ses amis lui permet de regagner Paris et de s'y réinstaller. 
Très vite, et après avoir hérité de la moitié des biens de son oncle d'Orléans décédé, il organise une exposition de ses toiles et de ses sculptures tahitiennes, avec l'aide du marchand d'art Paul Durand-Ruel et d'Edgar Degas.



Les années 1894 et 1895, sont les deux dernières années en France.

Elles sont jalonnées de rencontres, de soirées entre artistes  [diners des «Têtes de bois» (1874-1896)], d'organisations et de vernissages d'expositions, de visites de musées, de ventes, de ses derniers séjours en Bretagne, au Danemark avec ses enfants, mais aussi de travail : littérature, quelques peintures, arts graphiques (gravures, aquarelle, monotypes), céramique-sculpture (Oviri), et surtout écriture (Ancien culte Mahorie et Noa Noa et le Cahier pour Aline, sa fille).



Devant l'incompréhension du public et des critiques envers les sujets qu'il peint et pour « faire comprendre » cette peinture tahitienne d'avant-garde, Gauguin entreprend ces deux ouvrages: Ancien culte Mahorie et Noa Noa.



Il sculpte en deux mois les trente bois des gravures prévues pour illustrer le manuscrit de 
Noa Noa.


 
Paul Gauguin (1848-1903) L'Univers est créé, 1893-1894 Suite Noa Noa, 3e état (sur trois) Gravure sur bois de buis tirée en nuance de noir et marron avec rehauts d'aquarelle rose, orange, verte, bleue et jaune sur papier Japon crème ; H. 20.3; L. 35.3 cm (image); H. 20.5; L. 35.6 cm (feuille) The Art Institute of Chicago, Etats-Unis ; collection Clarence Buckingham

L’Univers est créé, que tu peux observer ci-contre, fait partie de la suite Noa Noa. Il évoque le mythe tahitien de la création de l’Univers et «représente la renaissance de l’homme, la terre et de bizarres créatures, après le Déluge».



Il illustre ici un conte populaire des îles, et le raconte en ces termes :

«Mahoui (le soleil) va lancer sa pirogue. Il est assis dans le fond. L'hameçon pend du côté droit attaché à la ligne par des tresses de cheveux. Et cette ligne qu'il tient dans sa main et cet hameçon, il les laisse descendre dans la profondeur de l'univers pour pêcher le grand poisson (la Terre). L'hameçon a mordu. Déjà se montre la base (les axes), déjà le dieu sent le poids énorme du monde. Téfatou (la Terre) émerge de la nuit, pris à l'hameçon, encore suspendu devant l'immensité ; Mahoui a péché le grand poisson qui nage dans l'espace [...].»

 



Lorsque Gauguin s'installe au 6 rue Vercingétorix, dans le quartier de Montparnasse, à Paris, il fait la rencontre de William Molard (1862-1936). Ce jeune musicien de 31 ans vit avec sa femme, sculptrice, et sa fille de treize ans, au-dessus de l'atelier de Gauguin.

Ce sont de précieux nouveaux amis pour le peintre. Lorsque Gauguin s'installe définitivement à Tahiti, Molard et Gauguin s'écrivent régulièrement et William va défendre ses intérêts en France.



Ce portrait exceptionnel est offert au musicien et représente l'amitié entre les deux artistes et la loyauté qui les lie, la reconnaissance de Gauguin envers Molard.

Il a deux faces peintes. D'un côté, tu peux voir l'autoportrait de Paul Gauguin au chapeau (recto) et de l'autre côté, le Portrait de William Molard (verso). 

 
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 La 3D VR 360° ci-dessous te permet demanipuler le tableau et de voir les deux faces.

Paul Gauguin au chapeau (recto), et Portrait de William Molard (verso), Hiver 1893-1894, huile sur toile, H. 46; L. 38 cm. Paris, musée d'Orsay. captation et réalisation 3D ©Rmn-Grand Palais (musée d'Orsay). Portraits by Rmn-Grand Palais on Sketchfab

-- Juillet 1895-août 1901, second séjour à Tahiti -- 

En juillet 1895, Paul quitte à nouveau la France. Du port de Marseille, il embarque sur L'Australien, un bateau à vapeur. 

Avant d’arriver à Tahiti, en septembre 1895, il fait escale à Sydney, en Australie et en août, à Auckland, en Nouvelle-Zélande. Cette escale est importante car il y étudie les collections d'art Maori du nouveau musée d'ethnologie et prend des croquis. 

Il arrive à Papeete le 9 septembre. Déçu par les transformations de la petite ville 
occupée par plus de colons, depuis sa première visite, il décide de s'éloigner de cinq kilomètres et de s'installer au plus près de la nature, à Punaauia

 

En novembre, il y construit, avec l’aide des habitants, une case traditionnelle tahitienne en bambou et feuilles de palmier et décore les fenêtres.

 

En janvier 1896, Gauguin vit avec Pahura, sa vahiné et son modèle.

 



 

Habitation de Gauguin à Tahiti, Punaauia. Photo extraite de l'album "Tahiti et Dépendances", 1894-1898". Album de 252 tirages d'après négatifs verre, classés par ordre chronologique et légendés. Prises de vue de Jules Agostini entre novembre 1894 et juillet 1898 à Tahiti. Portraits, paysages, scènes de vie quotidienne, vues de navires, personnalités, famille... Vers la fin de l’album un autoportrait est présent. 12 tirages manquent. Conservé au musée du quai Branly Photo © Musée du quai branly - Jacques Chirac, dist. Rmn-Grand Palais / image musée du quai Branly - Jacques Chirac
Il passe ses huit dernières années à peindre cent tableaux, à graver quatre cents bois, à exécuter des dizaines de sculptures sur bois. Il écrit pour un journal, rédige trois longs textes, ainsi qu'une centaine de lettres à Mette, son ex-femme, et ses amis restés en Europe. Il s'occupe de l'expédition de ses toiles et gère ses affaires à distance. Il construit trois maisons et a trois enfants. Malade, il passera aussi beaucoup de temps à l'hôpital pour se soigner.

 

L'œuvre de la deuxième période tahitienne est différent de celui de la première : 

 

-la première période reflète une découverte de la culture tahitienne d'avant la colonisation issue des contes polynésiens qu'il lit et qu'il représente dans ses toiles animées des habitants de l'île, modèles disposés dans un décor de verdure luxuriante. 

-la seconde période montre une nouvelle approche. Gauguin peint un monde mythique où ils fusionnent les traditions religieuses orientales, occidentales et océaniennes passées et présentes. Ses tableaux sont les reflets d'un monde auquel il croit, un monde idéal qu'il met en scène.




 

Fin 1897-1898,D’où venons-nous? Que sommes-nous? Où allons-nous? est le chef-d'œuvre qui résume ses recherches, ses analyses sur la couleur; c'est son vaste tableau «testament». 

Tu peux voir le tableau sur le site du musée qui le conserve, en cliquant sur le picto ou le titre du tableau.

Paul Gauguin (1848-1903) L'Enlèvement d'Europe, 1898-1899 Gravure sur bois tirée sur papier Japon numérotée à la plume et à l'encre, 4 ; H. 23.1; L. 20.5 cm (image/feuille) The Art Institute of Chicago, (États-Unis) © The Art Institute of Chicago
Il continue la gravure sur bois avec une technique particulière : il recouvre le bois d'encre noire, imprime l'ensemble des blocs irréguliers sans l'aide d'une presse sur un papier japon, les doublant pour l'impression de feuilles plus épaisses. 

-- Septembre 1901- 8 mai 1903, les dernières années:

Hiva Oa, dans les Marquises --

Gauguin demeure six ans à Tahiti avant de gagner l’île lointaine d’Hiva Oa dans les Marquises et le petit village Atuona. 

Il s'éloigne de plus en plus de la société occidentale. 

La maison du jouir

C'est à Atuona que Paul Gauguin réalise une autre œuvre «d'art total»: la Maison du Jouir, l'ensemble décoratif

le plus important réalisé par l'artiste. Un lieu de liberté de création.

L'entrée de la maison, faite de bois et de bambou avec un toit en feuilles de cocotier sur deux niveaux, est décorée de grands panneaux en bois sculptés (que tu peux voir au musée d'Orsay) de figures reprises de ses tableaux. On y retrouve ses héroïnes : Ève, Diane, Vairumati, Europe ou Marie et l'antique dieu polynésien Ta'aroa. Les personnages sont entourés de végétaux et des animaux de son répertoire iconographique : le paon, le chien, le serpent, le cheval.

Cette maison sert de demeure mais aussi d'atelier. Elle regorge de sculpture, d'instruments de musique, de photographies, de ses manuscrits, carnets de notes, livres et d"épreuves tirées de ses gravure sur bois.  Aujourd'hui, on ne peut que l'imaginer, détruite après sa vente aux enchères suite au décès de Gauguin.



 

Dessin sur papier, reproduit dans G. Le Bronnec, "Les dernières années", Gazette des beaux-Arts, janv-avril 1956, p. 196 Photo musée d'Orsay/Patrice Schmidt
Panneau de la "Maison du Jouir" montés dans exposition "Gauguin l'alchimiste" Photo © FLP, 2017

Gauguin consacre les deux dernières années de sa vie à peindre pour son marchand d'art, Ambroise Vollard, en contrepartie d'un revenu plus ou moins régulier. Bien qu'exécutés rapidement, les peintures présentent des compositions variées et une grande qualité dans les harmonies de couleurs.



Il exécute des dessins-empreintes originaux exposés après sa mort dans la galerie d'art d'Ambroise Vollard. Ces dessins bouleverseront plus tard le grand Pablo Picasso par leur force et leur sauvagerie et le grand Henri Matisse par leurs couleurs et la facilité du dessin.



Paul Gauguin s'éteint le 8 mai 1903, à Atuona. 

 





-- Caractère de son œuvre --

Gauguin est un artiste complet qui a utilisé et exploré différentes techniques des arts graphiques et plastiques :  le dessin, la peinture, la sculpture, la gravure, la céramique, et même l'architecture de bois pendant ses séjours Tahitiens.  

Il a un goût prononcé pour le décoratif et la couleur tient une place essentielle dans son œuvre.

 

Chef de fil de l'école de Pont-Aven et adopte le cloisonnisme qui consiste en la pose d'aplats de couleurs sur la toile entourés d'un cerne noir, comme dans les vitraux du Moyen Âge. Les formes sont ainsi simplifiées. 

Pour Gauguin, il n'y a pas de hiérarchie dans les techniques artistiques; la peinture et la sculpture ne sont pas supérieures aux arts décoratifs (céramique, gravure, etc.).



À cela s'ajoute la recherche d'une quête personnelle, celle d'un autre mode de vivre, d'avant la société industrielle et d'un monde plus «sauvage».



Sa démarche artistique et sa philosophe de vie sont étroitement liées.

Les différentes techniques qu'il maîtrise se font échos dans la reprises des mêmes figures et des histoires représentées. De la Bretagne à Tahiti, tous les éléments sont en relation. Seuls les paysages changent, les costumes des personnages, la forme des objets et la nature des animaux chargés de significations. Mais le message qui en émane reste le même, la recherche d'un monde idéal, et crée le lien entre ses œuvres quelque soit la technique utilisée.



Son œuvre est une œuvre d'«art total».





-- Les artistes qu’il admire --

Ceux du passé: Lucas Cranach, Hans Holbein, Sandro Botticelli, Pierre Puvis de Chavannes, Eugène Delacroix.



Ses contemporains : Edouard Manetl'impressionniste Edgar Degas, Vincent van GoghPaul CézanneOdilon Redon.





 

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